mercredi 21 septembre 2016

EXILS

Pour ceux qui y sont contraints par la violence et la misère, l’exil est une épreuve, physique autant que morale. Ce qu’ils emportent avec eux n’est pas qu’un maigre bagage. Leur vie passée, leur culture, la mémoire de leur peuple, ils les partagent lorsque l’on veut bien les écouter. Certains nous offrent même des livres.

 Samar Yazbek est syrienne. Journaliste, opposée au régime de Bachar al-Assad, elle a dû fuir son pays et vit maintenant à Paris. De son refuge, elle sent l’obligation de témoigner de l’horreur de la guerre civile. Par trois fois, elle retourne clandestinement en Syrie, profitant d’une brèche dans la frontière turque.
Les portes du néant (Stock 2016, traduit de l’arabe par Rania Samara, avec une préface de Christophe Boltanski) est le récit détaillé de ses voyages clandestins. Samar Yazbek dit le quotidien de la guerre pour les combattants rebelles, pour les femmes, les enfants. Elle le vit avec eux, sous les barils d’explosifs « moins coûteux et infiniment plus destructeurs » (C. Boltanski), dans les abris, sur les routes. Elle écrit l’effroi devant les corps mutilés, l’incroyable courage des survivants, leur solidarité. Malgré son désarroi, elle conserve l’espoir. Samar Yazbek met clairement sous nos yeux et dans nos esprits la tragédie que vit le peuple de Syrie.
Une présentation du livre et une interview de Samar Yazbek se trouvent ici.

 Autre voix féminine, Kim Thúy construit toute son œuvre autour de l’exil. Dans son troisième roman, Vi (Liana Levi 2016), elle décrit la vie familiale au temps de l’Indochine, son enfance alors que Nord et Sud du Vietnam sont déjà séparés. La famille doit fuir, séjourne dans un camp avant de trouver refuge à Montréal. Vi (c’est le prénom vietnamien de la narratrice) y grandit, étudie, pratique divers métiers. Son retour au Vietnam est une nouvelle étape dans laquelle elle renoue avec les usages de son enfance et découvre une vie dont elle a été privée. Avec sa légèreté coutumière, elle l’évoque comme un passage douloureux et  bienfaisant.
Ici, on peut écouter un entretien avec Kim Thúy (après un bref bulletin d’informations).


 Pour évoquer son exil, Velibor Čolić choisit l’humour. Dans Manuel d’exil. Comment réussir son exil en trente-cinq leçons (Gallimard 2016), il raconte son arrivée à Rennes après avoir déserté l’armée bosniaque, ne connaissant, écrit-il, « que trois mots de français, Jean, Paul et Sartre ». L’errance, la solitude, l’alcool remplissent ses journées dans lesquelles s’infiltre l’écriture qui le sauve du chaos. A Strasbourg, ville-refuge, avec le soutien du Parlement des écrivains, il peut s’y consacrer pleinement.
S’il épingle les instances qui le reçoivent, comme exilé et comme écrivain, Velibor Čolić rit surtout de lui-même. Son statut d’écrivain lui offre de retourner sur les terres de son enfance, qu’il ne reconnaît pas. Journaliste, grand amateur de jazz, il écrit désormais ses romans en français.
Pour voir et entendre Velibor Čolić parler de l’exil et de l’écriture, c’est ici.

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