Pour
ceux qui y sont contraints par la violence et la misère, l’exil est une
épreuve, physique autant que morale. Ce qu’ils emportent avec eux n’est pas
qu’un maigre bagage. Leur vie passée, leur culture, la mémoire de leur peuple,
ils les partagent lorsque l’on veut bien les écouter. Certains nous offrent
même des livres.
Samar Yazbek est syrienne.
Journaliste, opposée au régime de Bachar al-Assad, elle a dû fuir son pays et
vit maintenant à Paris. De son refuge, elle sent l’obligation de témoigner de
l’horreur de la guerre civile. Par trois fois, elle retourne clandestinement en
Syrie, profitant d’une brèche dans la frontière turque.
Les portes du néant (Stock 2016, traduit de l’arabe par
Rania Samara, avec une préface de Christophe Boltanski) est le récit détaillé
de ses voyages clandestins. Samar Yazbek dit le quotidien de la guerre pour les
combattants rebelles, pour les femmes, les enfants. Elle le vit avec eux, sous
les barils d’explosifs « moins coûteux et infiniment plus
destructeurs » (C. Boltanski), dans les abris, sur les routes. Elle écrit
l’effroi devant les corps mutilés, l’incroyable courage des survivants, leur
solidarité. Malgré son désarroi, elle conserve l’espoir. Samar Yazbek met
clairement sous nos yeux et dans nos esprits la tragédie que vit le peuple de
Syrie.
Une
présentation du livre et une interview de Samar Yazbek se trouvent ici.
Autre
voix féminine, Kim Thúy construit
toute son œuvre autour de l’exil. Dans son troisième roman, Vi
(Liana Levi 2016), elle décrit la vie familiale au temps de l’Indochine, son
enfance alors que Nord et Sud du Vietnam sont déjà séparés. La famille doit
fuir, séjourne dans un camp avant de trouver refuge à Montréal. Vi (c’est le
prénom vietnamien de la narratrice) y grandit, étudie, pratique divers métiers.
Son retour au Vietnam est une nouvelle étape dans laquelle elle renoue avec les
usages de son enfance et découvre une vie dont elle a été privée. Avec sa
légèreté coutumière, elle l’évoque comme un passage douloureux et bienfaisant.
Ici,
on peut écouter un entretien avec Kim Thúy (après un bref bulletin
d’informations).
Pour
évoquer son exil, Velibor Čolić
choisit l’humour. Dans Manuel d’exil. Comment réussir son exil en
trente-cinq leçons (Gallimard 2016), il raconte son arrivée à Rennes après
avoir déserté l’armée bosniaque, ne connaissant, écrit-il, « que trois
mots de français, Jean, Paul et Sartre ». L’errance, la solitude, l’alcool
remplissent ses journées dans lesquelles s’infiltre l’écriture qui le sauve du
chaos. A Strasbourg, ville-refuge, avec le soutien du Parlement des écrivains,
il peut s’y consacrer pleinement.
S’il
épingle les instances qui le reçoivent, comme exilé et comme écrivain, Velibor
Čolić rit surtout de lui-même. Son statut d’écrivain lui offre de retourner sur
les terres de son enfance, qu’il ne reconnaît pas. Journaliste, grand amateur
de jazz, il écrit désormais ses romans en français.
Pour
voir et entendre Velibor Čolić parler de l’exil et de l’écriture, c’est ici.
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