jeudi 21 décembre 2017

POUR UN HIVER DE LECTURE.

Deux nouveaux venus d’abord.

 Miguel Bonnefoy donne dans Sucre noir (Rivages 2017) le récit d’une famille dont la quête d’un trésor disparu va bouleverser le destin. Mêlant la réalité vénézuélienne à la mythologie caribéenne, ce roman foisonnant et jubilatoire est construit autour d’une femme, Serena Otero, personnage qui tient à la fois de la légende et de la plus triviale réalité. Entre amour et argent, canne à sucre et pétrole, rêve et réalité, tragédie et burlesque, Miguel Bonnefoy livre un roman d’une ample inspiration, à l’écriture vive et légère.
Pour écouter Miguel Bonnefoy, c’est ici et c’est très plaisant.
Du même auteur, les Editions Rivages rééditent Le voyage d’Octavio (Poche 2016) et Jungle (Poche 2017).


 Autre nouveau venu : Paolo Cognetti. Dans son roman, Les huit montagnes (traduit par Anita Rochedy, Stock 2017), deux jeunes garçons passent ensemble plusieurs étés successifs dans les montagnes du val d’Aoste. Bruno vit dans le village où Pietro et ses parents viennent en vacances. Ce sont des gens de la ville, mais le père de Pietro est depuis toujours fasciné par les montagnes qu’il veut faire découvrir à son fils. Pourtant c’est Bruno qui sera son meilleur guide et quand ils seront adultes, après des errances, des séparations, c’est dans ces mêmes montagnes qu’ils se retrouveront.
Paolo Cognetti emmène le lecteur en grande randonnée. Le souffle de son écriture est puissant, les caractères des personnages sont rocailleux et son amour de la montagne ne s’accommode d’aucune facilité. Dans un précédent récit, Le garçon sauvage (10/18, 2017), il tenait un « carnet de montagne », journal d’un été dans le val d’Aoste.
L’auteur parle de son livre ici.

 Son dernier roman, Tout homme est une nuit (Seuil 2017), Lydie Salvayre le situe dans un tranquille village provençal. Au Café des Sports, les clients refont le monde à leur manière, lançant diatribes et quolibets à qui veut les entendre. Le sujet de leurs rancœurs est un inconnu au visage un peu basané, récemment installé au village, en convalescence. C’est un euphémisme de dire qu’il est mal reçu et plus mal perçu encore. Méfiance et soupçons le poursuivent jusqu’à l’épisode violent  qui révélera la force des uns, la lâcheté des autres.
Lydie Salvayre excelle ici à dessiner des personnages : figures attachantes, bienveillantes, fragiles d’un côté,  individus vulgaires, violents, ternes, lâches de l’autre. Elle ponctue son récit des belles formulations, des expressions recherchées, du langage raffiné de l’inconnu. En face, les autres s’expriment avec grossièreté, muflerie, vulgarité. Cela constitue un récit vif, enlevé, tonitruant, violent, mais aussi plein de finesse, faisant la part du rêve et laissant ouverte la possibilité d’une rémission, tant de la maladie physique que de l’état d’esprit.
Une rencontre avec Lydie Salvayre est retranscrite ici.

Et encore...
La tendresse de Jeanne Benameur dans L'enfant qui (Actes Sud 2017): un enfant à la recherche de sa mère disparue.
L'érudition de Claudio Magris dans Classé sans suite (traduit par Jean et Marie-Noëlle Pastureau, Gallimard/L'Arpenteur 2017): un inventaire des armes de guerre en possession d'un collectionneur, Trieste et sa Rizerie d'effroyable mémoire durant la Seconde Guerre mondiale.
L'histoire familiale en cinq ou six générations de Patrick Deville dans Taba-Taba (Seuil 2017): de l'ancêtre venu d'Egypte au XIXe siècle aux attentats de 2015, de Patrick enfant, assis sur un escalier en compagnie d'un aliéné, à l'écrivain voyageur faisant tour de France et tours du monde.
L'hommage de Sorj Chalandon aux mineurs de Liévin dans Le jour d'avant (Grasset 2017): des années de colère avant de se venger de la mine.

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