DES VIES
Un quotidien ordinaire, la passion de l’aventure,
des existences plongées dans la tragédie : des livres en font le récit et
perpétuent la mémoire de ces destins singuliers.
Au cours de ses pérégrinations dans Paris,
une adresse s’est fixée dans le quotidien de Ruth Zylberman. A partir de
ses observations et de ses recherches, elle a réalisé un film : Les
enfants du 209 rue Saint-Maur, Paris Xe qui est en ligne ici.
Elle y retrace les vies brisées par la déportation de familles habitant
l’immeuble, par le témoignage de quelques rescapés encore vivants.
A la suite du film, elle publie 209 rue
Saint-Maur, Paris Xe. Autobiographie d’un immeuble (Seuil/Arte Editions
2020). Elle a reconstitué l’histoire de cet immeuble, de sa construction au
milieu du XIXe siècle jusqu’à sa restauration près de deux siècles plus tard.
Côtoyant le récit de son travail de recherche puis de réalisation du film, elle
offre sa réflexion sur les traces du passé, elle montre comment elle a relié
les vivants à leur histoire tragique, elle rend présentes et vives des paroles
longtemps refoulées. Bien plus qu’une simple évocation, c’est un livre
émouvant, puissant, qui noue des liens entre passé et présent, qui montre que
les sentiments, même profondément enfouis, persistent dans le temps
d’aujourd’hui.
Une passionnante interview de Ruth Zylberman
est ici.
C’est un passé glacé, enfoui sous la banquise
que révèle le roman d’Hélène Gaudy, Un monde sans rivage (Actes Sud
2019). En 1930, le jeune marin d’un baleinier découvre sur l’île de
Kvitøya au nord de la Norvège les restes d’un aérostat et des ossements
humains. Les recherches révèlent qu’il s’agit de trois hommes, des Suédois,
partis en expédition dans le grand Nord en 1897 pour cartographier les régions
polaires. Outre le ballon, on retrouve auprès de leurs dépouilles des carnets,
des lettres, quelques objets quotidiens, un lourd appareil photographique et
des pellicules en rouleaux, protégées dans des boîtes métalliques et prêtes à
être développées.
A partir de ce matériel soigneusement mis à
jour et présenté dans une exposition, Hélène Gaudy construit un roman chaleureux
et plein d’humanité. Les bribes du journal de bord lui permettent de
reconstituer le quotidien des explorateurs dont la nacelle s’est échouée sur la
banquise. Des fragments de lettres jamais envoyées révèlent leurs sentiments,
l’attention qu’ils portent à leurs proches. C’est un espace vertigineux qui est
révélé, sur lequel s’éparpillent des traces ténues qui portent vers d’autres
champs, qui rappellent d’autres explorations.
Au jardin des Plantes à Paris, Christine
Montalbetti se sent chez elle. Elle a découvert que son arrière-arrière
grand-père y fut jardinier dès l’âge de dix ans, puis botaniste associé aux
travaux des chercheurs. Elle retrace cette vie jardinière dans un roman
touchant, sensible, Mon ancêtre Poisson (P.O.L. 2019).
Né en 1833, mort en 1919, Jules Poisson a
laissé des traces non seulement dans sa famille mais également dans les
archives du Muséum d’histoire naturelle. Lettres privées et officielles,
dossiers administratifs, articles, Christine Montalbetti s’est appuyée sur ces
multiples sources. Elle y a découvert un fils de son ancêtre, Jules Eugène, peu
connu dans l’histoire familiale et dont la vie de botaniste est évoquée dans le
roman. Avec les souvenirs et les confidences de sa grand-mère, elle-même
petite-fille de Jules, elle a comblé, par-delà les générations, des lacunes
paraissant infranchissables.
Une longue présentation, quelques pages du
roman et un entretien sont ici
et une vidéo sur fond sonore d’activités du jardin des Plantes est là.
La lecture au temps du virus…
La saison commence en mode ‘confinement’ :
c’est le moment idéal pour lire ce qui s’empile sur tables de chevet, rayons de
bibliothèque et bureaux, pour relire ce qui nous a passionnés. Sans oublier
d’entamer et de nourrir la liste des titres que nous commanderons à nos
indispensables libraires et bibliothécaires lorsque la vie aura repris son
cours normal.
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