dimanche 22 mars 2020


DES VIES
Un quotidien ordinaire, la passion de l’aventure, des existences plongées dans la tragédie : des livres en font le récit et perpétuent la mémoire de ces destins singuliers.

  Au cours de ses pérégrinations dans Paris, une adresse s’est fixée dans le quotidien de Ruth Zylberman. A partir de ses observations et de ses recherches, elle a réalisé un film : Les enfants du 209 rue Saint-Maur, Paris Xe qui est en ligne ici. Elle y retrace les vies brisées par la déportation de familles habitant l’immeuble, par le témoignage de quelques rescapés encore vivants.
A la suite du film, elle publie 209 rue Saint-Maur, Paris Xe. Autobiographie d’un immeuble (Seuil/Arte Editions 2020). Elle a reconstitué l’histoire de cet immeuble, de sa construction au milieu du XIXe siècle jusqu’à sa restauration près de deux siècles plus tard. Côtoyant le récit de son travail de recherche puis de réalisation du film, elle offre sa réflexion sur les traces du passé, elle montre comment elle a relié les vivants à leur histoire tragique, elle rend présentes et vives des paroles longtemps refoulées. Bien plus qu’une simple évocation, c’est un livre émouvant, puissant, qui noue des liens entre passé et présent, qui montre que les sentiments, même profondément enfouis, persistent dans le temps d’aujourd’hui.
Une passionnante interview de Ruth Zylberman est ici.

  C’est un passé glacé, enfoui sous la banquise que révèle le roman d’Hélène Gaudy, Un monde sans rivage (Actes Sud 2019). En 1930, le jeune marin d’un baleinier découvre sur l’île de Kvitøya au nord de la Norvège les restes d’un aérostat et des ossements humains. Les recherches révèlent qu’il s’agit de trois hommes, des Suédois, partis en expédition dans le grand Nord en 1897 pour cartographier les régions polaires. Outre le ballon, on retrouve auprès de leurs dépouilles des carnets, des lettres, quelques objets quotidiens, un lourd appareil photographique et des pellicules en rouleaux, protégées dans des boîtes métalliques et prêtes à être développées.
A partir de ce matériel soigneusement mis à jour et présenté dans une exposition, Hélène Gaudy construit un roman chaleureux et plein d’humanité. Les bribes du journal de bord lui permettent de reconstituer le quotidien des explorateurs dont la nacelle s’est échouée sur la banquise. Des fragments de lettres jamais envoyées révèlent leurs sentiments, l’attention qu’ils portent à leurs proches. C’est un espace vertigineux qui est révélé, sur lequel s’éparpillent des traces ténues qui portent vers d’autres champs, qui rappellent d’autres explorations.
Une longue et passionnante critique du roman est ici, tandis qu’Hélène Gaudy le présente .

  Au jardin des Plantes à Paris, Christine Montalbetti se sent chez elle. Elle a découvert que son arrière-arrière grand-père y fut jardinier dès l’âge de dix ans, puis botaniste associé aux travaux des chercheurs. Elle retrace cette vie jardinière dans un roman touchant, sensible, Mon ancêtre Poisson (P.O.L. 2019).
Né en 1833, mort en 1919, Jules Poisson a laissé des traces non seulement dans sa famille mais également dans les archives du Muséum d’histoire naturelle. Lettres privées et officielles, dossiers administratifs, articles, Christine Montalbetti s’est appuyée sur ces multiples sources. Elle y a découvert un fils de son ancêtre, Jules Eugène, peu connu dans l’histoire familiale et dont la vie de botaniste est évoquée dans le roman. Avec les souvenirs et les confidences de sa grand-mère, elle-même petite-fille de Jules, elle a comblé, par-delà les générations, des lacunes paraissant infranchissables.
Une longue présentation, quelques pages du roman et un entretien sont ici et une vidéo sur fond sonore d’activités du jardin des Plantes est .

La lecture au temps du virus…
La saison commence en mode ‘confinement’ : c’est le moment idéal pour lire ce qui s’empile sur tables de chevet, rayons de bibliothèque et bureaux, pour relire ce qui nous a passionnés. Sans oublier d’entamer et de nourrir la liste des titres que nous commanderons à nos indispensables libraires et bibliothécaires lorsque la vie aura repris son cours normal.

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