Suspendre
le temps et parcourir l’espace en se plongeant dans Sic transit (Seuil 2014).
Ce volume réunit trois livres de Patrick
Deville qui sont, selon leur auteur, « trois romans d’aventure sans
fiction qui, pendant un siècle et demi, de 1860 à nos jours, entremêlent sur
trois continent les vies d’hommes illustres et les vies d’inconnus : Pura Vida en Amérique, Equatoria en Afrique et Kampuchéa en Asie ». Ajoutons le
dernier roman de Patrick Deville : Viva (Seuil 2014) qui se situe dans
les années 1930, au Mexique où viennent se réfugier Trotsky fuyant procès et
persécutions et Malcolm Lowry qui écrit Au-dessous
du volcan. Dans la vie bouillonnante des villes mexicaines, ils fréquentent
les mêmes artistes, les mêmes écrivains, sans jamais se rencontrer. Leur destin
est tracé, l’un mourra assassiné, l’autre poursuivra son errance. Et le Mexique
restera terre de révolution.
Les
œuvres de Patrick Deville sont foisonnantes et généreuses. Des personnages
envoûtants, célèbres et inconnus, des lieux d’une beauté magique, des récits magnifiquement
écrits qui s’appuient avec rigueur sur la vérité historique.
Parallèlement
à sa vie d’écrivain, Patrick Deville est directeur littéraire de la maison des écrivains étrangers et des
traducteurs (meet) de Saint-Nazaire qu’il présente ici.
Alors
que Trotsky trouvait refuge au Mexique, Walter Benjamin cherchait désespérément
à fuir l’Europe. C’est ce que dit et montre le récit écrit et dessiné par Frédéric Pajak, Manifeste incertain 3
(Editions Noir sur Blanc 2014), prix Médicis de l’essai 2014. En même temps que
les tentatives de fuite de Benjamin, Pajak évoque par les mots et les dessins
l’aveuglement d’Ezra Pound. Comme Trotsky et Lowry, ces deux personnalités ne
se rencontrent jamais. Epuisé et désespéré, Benjamin se suicide après avoir
franchi les Pyrénées. Quant à Pound, rentré aux USA, il y est interné. A sa
libération, il s’embarque pour l’Italie qu’il retrouvera en faisant le salut
fasciste.
Le
Manifeste
incertain comprend désormais trois volumes, tous singuliers et
magnifiques. Dans ces récits qui font la part de l’histoire et de
l’autobiographie, l’encre noire est le point commun entre les images et les
mots. Les dessins saisissants de beauté relaient sans le doubler un texte qui
ne dit que l’essentiel.Des
présentations de l’œuvre de Pajak se trouvent ici
et ici.
Tandis que là
on peut l’écouter parler de son œuvre (à partir de la troisième minute).
Hervé Le Corre est bien connu des
amateurs de romans policiers. Son
roman le plus récent a, comme les précédents, obtenu plusieurs prix. Les
Editions Payot/Rivages publient en format de poche d’anciens romans de ce
maître du suspens. Dans L’homme aux lèvres de saphir
(première édition 2004), un tueur amoureux d’Isidore Ducasse, comte de
Lautréamont, sévit à Paris dans les années 1870. Vie politique et révolution
sociale se mêlent, misère et héroïsme se confrontent à la violence. Les
cœurs déchiquetés (première édition 2009) a pour cadre la région
bordelaise. Le fils d’un commandant de police a été enlevé, n’est pas retrouvé.
Quelques années plus tard, le policier enquête sur l’assassinat d’une jeune
femme, mère d’un collégien dont la vie bascule dans l’effroyable. L’adolescent
et l’enquêteur sont poursuivis par le même criminel que l’un tente de fuir et
l’autre de neutraliser.
Derniers retranchements (Payot/Rivages 2011)
regroupe une dizaine de nouvelles, certaines déjà publiées, d’autres inédites. Trois
de chute (Editions Pleine Page 2012) rassemble dans une « trilogie
bordelaise » trois romans plus anciens parus à la Série Noire.
Lire
un roman d’Hervé Le Corre, c’est être pris dans une tension parfaitement
maîtrisée, servie par une écriture sensible, précise, belle. Un monde de cruauté,
de violence physique et mentale où l’effroi est contrebalancé par la force
morale et une profonde humanité.
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