Côté suspense, les
plumes féminines comptent des représentantes remarquables et fort heureusement remarquées.
Parmi elles, voici trois auteures qui jouent du frisson pour les unes, du rire
pour l’autre.
Dès son premier
roman, Des nœuds d’acier (Denoël
2013), Sandrine Collette a démontré
sa grande maîtrise du suspense. Par une intrigue tendue, des situations déroutantes,
elle distille l’angoisse à doses soutenues et très efficaces. Particulièrement
fine dans l’approche de tortures psychologiques, elle parvient à envelopper de
délicatesse une impitoyable cruauté. Du grand art !
En même temps qu’un
suspense intense, chacun de ses romans offre le dépaysement. Des
nœuds d’acier se déroule dans une forêt profonde qui pourrait se
situer dans le Morvan où l’auteure réside, Un vent de cendre (Denoël 2014)
souffle sur le vignoble champenois, Six fourmis blanches (Denoël 2015) trace
la piste sur des hauteurs reculées des Balkans où survivent d’ancestrales et
cruelles traditions. Le dernier titre paru, Il reste la poussière
(Denoël 2016), se situe en Amérique du Sud il y a plus d’un siècle, en
Patagonie où meurent la nature et l’humanité.
Alors que Sandrine
Collette explore des lieux différents dans chacun de ses romans, Dolores Redondo pratique la
sédentarité. La trilogie du Baztán comprend déjà Le
gardien invisible (Folio policier 2015) et De chair et d’os (Folio
policier 2016). Elle s’achève avec la parution d’Une offrande à la tempête
(Mercure de France 2016, traduction de Judith Vernant). Elle se passe
entièrement dans une vallée de la Navarre espagnole, terre où la religion est
fortement ancrée. Puisant son inspiration dans la mythologie basque, Dolores
Redondo s’attache, tout au long de la trilogie, à décortiquer les croyances,
les légendes, les pratiques maléfiques, les rituels et autres sacrifices qui en
constituent le fonds.
Son héroïne, Amaia
Salazar, est une enquêtrice acharnée qui ne craint ni menaces, ni représailles.
Le dernier volume de la trilogie est une enquête serrée sur la mort subite de
plusieurs nourrissons, toujours des petites filles. Le cercle des implications
dans ce qui ressemble à un rituel se resserre de plus en plus autour de la
jeune femme, elle-même mère d’un enfant mis en danger par sa grand-mère.
Un portrait de
Dolores Redondo se trouve ici et son site personnel, en espagnol, est là (avec de superbes
photos de la vallée du Baztán).
Après les angoisses
de toutes sortes, le rire. Celui que provoque Sophie Hénaff par son humour et son sens de la dérision. Dans Poulets
grillés (Albin Michel 2015, Livre de poche 2016), elle égratignait le
36 quai des Orfèvres en purgeant les services de leurs membres placardisés. Ces
derniers constituaient une nouvelle brigade chargée de réveiller les enquêtes
endormies. Pari tenu, pari gagné pour la commissaire Anne Capestan qui voyait
ses troupes résoudre d’anciennes affaires qu’on croyait ensevelies. La même
brigade, renforcée de nouveaux éléments, est à l’œuvre dans Rester
groupés (Albin Michel 2016). Elle enquête cette fois-ci sur l’actualité
criminelle : plusieurs assassinats dispersés dans tout le pays.
Le style est vif, la
drôlerie furieuse et impitoyable. Mais dès qu’on en gratte la légèreté, l’humour
devient corrosif. C’est frondeur et irrésistible.
P.S. En 1933, José Luis
Borgès avait publié les Lois de la
narration policière. Dans un article paru en Argentine en 2009, un de ses
compatriotes écrivain commentait ces règles, en ajoutant d’autres qui semblaient
découler du texte de Borgès. L’article traduit en français est ici.
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