mardi 21 juin 2016

CES DAMES DU ROMAN NOIR

Côté suspense, les plumes féminines comptent des représentantes remarquables et fort heureusement remarquées. Parmi elles, voici trois auteures qui jouent du frisson pour les unes, du rire pour l’autre.

 Dès son premier roman, Des nœuds d’acier (Denoël 2013), Sandrine Collette a démontré sa grande maîtrise du suspense. Par une intrigue tendue, des situations déroutantes, elle distille l’angoisse à doses soutenues et très efficaces. Particulièrement fine dans l’approche de tortures psychologiques, elle parvient à envelopper de délicatesse une impitoyable cruauté. Du grand art !
En même temps qu’un suspense intense, chacun de ses romans offre le dépaysement. Des nœuds d’acier se déroule dans une forêt profonde qui pourrait se situer dans le Morvan où l’auteure réside, Un vent de cendre (Denoël 2014) souffle sur le vignoble champenois, Six fourmis blanches (Denoël 2015) trace la piste sur des hauteurs reculées des Balkans où survivent d’ancestrales et cruelles traditions. Le dernier titre paru, Il reste la poussière (Denoël 2016), se situe en Amérique du Sud il y a plus d’un siècle, en Patagonie où meurent la nature et l’humanité.
C’est ici que l’on peut faire connaissance avec Sandrine Collette.

 Alors que Sandrine Collette explore des lieux différents dans chacun de ses romans, Dolores Redondo pratique la sédentarité. La trilogie du Baztán comprend déjà Le gardien invisible (Folio policier 2015) et De chair et d’os (Folio policier 2016). Elle s’achève avec la parution d’Une offrande à la tempête (Mercure de France 2016, traduction de Judith Vernant). Elle se passe entièrement dans une vallée de la Navarre espagnole, terre où la religion est fortement ancrée. Puisant son inspiration dans la mythologie basque, Dolores Redondo s’attache, tout au long de la trilogie, à décortiquer les croyances, les légendes, les pratiques maléfiques, les rituels et autres sacrifices qui en constituent le fonds.
Son héroïne, Amaia Salazar, est une enquêtrice acharnée qui ne craint ni menaces, ni représailles. Le dernier volume de la trilogie est une enquête serrée sur la mort subite de plusieurs nourrissons, toujours des petites filles. Le cercle des implications dans ce qui ressemble à un rituel se resserre de plus en plus autour de la jeune femme, elle-même mère d’un enfant mis en danger par sa grand-mère.
Un portrait de Dolores Redondo se trouve ici et son site personnel, en espagnol, est (avec de superbes photos de la vallée du Baztán).

 Après les angoisses de toutes sortes, le rire. Celui que provoque Sophie Hénaff par son humour et son sens de la dérision. Dans Poulets grillés (Albin Michel 2015, Livre de poche 2016), elle égratignait le 36 quai des Orfèvres en purgeant les services de leurs membres placardisés. Ces derniers constituaient une nouvelle brigade chargée de réveiller les enquêtes endormies. Pari tenu, pari gagné pour la commissaire Anne Capestan qui voyait ses troupes résoudre d’anciennes affaires qu’on croyait ensevelies. La même brigade, renforcée de nouveaux éléments, est à l’œuvre dans Rester groupés (Albin Michel 2016). Elle enquête cette fois-ci sur l’actualité criminelle : plusieurs assassinats dispersés dans tout le pays.
Le style est vif, la drôlerie furieuse et impitoyable. Mais dès qu’on en gratte la légèreté, l’humour devient corrosif. C’est frondeur et irrésistible.
Des critiques des deux romans de Sophie Hénaff se trouvent ici et .


P.S. En 1933, José Luis Borgès avait publié les Lois de la narration policière. Dans un article paru en Argentine en 2009, un de ses compatriotes écrivain commentait ces règles, en ajoutant d’autres qui semblaient découler du texte de Borgès. L’article traduit en français est ici.

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