samedi 22 avril 2017

Tribune de Jacques Weber, comédien et metteur en scène

 Dans une tribune au « Monde », (21/04/2017) le comédien et metteur en scène voit dans le candidat de la France insoumise l’héritier de la France de Molière et de Victor Hugo contre les puissants et les arrogants.
« J’ai longtemps hésité sur le programme, jamais sur l’homme, Jean-Luc Mélenchon. Longtemps j’ai opposé les propositions de Benoît Hamon à celles du candidat de La France insoumise. Longtemps le revenu universel et l’écologie prioritaire étayant une VIRépublique me paraissaient jeter les bases d’un autre équilibre et d’une autre perception de notre société.
Même si tout allait dans le sens du respect et de la dignité d’un peuple, la vision de l’Europe, les mesures économiques et sociales du programme de Jean-Luc Mélenchon me semblaient moins claires et plus complexes dans leurs énoncés. Mais comment aller au-delà de l’impression dans la pseudo-clarté des programmes ? Les chiffres trompent et mentent parfois, puissent-ils dire la – une ! – vérité. Comment l’apprécier ? Comment avoir et prendre le temps de comprendre ?
La complexité du monde ne doit pas cependant rester une impasse. Alors de grandes tendances nous divisent ou nous unissent. Pourtant le choix restera intime et comme si souvent, pour franchir le pas, accepter de sentir un programme sans en saisir toutes les nuances, nous choisirons un homme. Un homme qui nous rassure, nous touche et incarne notre espoir ; un homme qui nous parle et que nous entendons. Le tribun est dangereux dit-on ? Oui, comme la vérité, le mensonge, l’engagement, le fatalisme, l’utopie – la dystopie son contraire. Comme l’amour et la vie. Mais le vrai danger est la peur : elle mène aux ténèbres de l’histoire où la terreur s’installe comme chez elle.
Le lyrisme, chez Jean-Luc Mélenchon, c’est celui des grands combats
Chez Jean-Luc Mélenchon, l’idée est passion, le mouvement est le but, sa lucidité a souvent les larmes aux yeux. Le lyrisme chez lui n’est pas une tonalité sirupeuse et braillarde empruntée le temps d’une campagne. Le lyrisme, c’est celui des grands combats – ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent (Victor Hugo) – il rejoint chez moi ceux de Robert Badinter, Christiane Taubira, Simone Veil, Jack Ralite, François Mitterrand et Charles de Gaulle – je m’arrête à ceux de mon époque et de mon pays.
Le lyrisme, c’est cette parole à hauteur d’homme qui vous serre dans les bras. C’est la poésie, c’est-à-dire – n’en déplaise aux commentateurs du commentaire – la philosophie qui se mêle au débat politique et social. Le lyrisme, c’est le plein air de la pensée, le silence et le langage des hommes de liberté. C’est le mépris des « populaces », celle du haut et celle du bas. C’est l’amour immodéré des hommes et des peuples.
Certains ont besoin de consolider l’ignorance reprenant la rhétorique des plus grands criminels de l’histoire : plus le mensonge est grand, plus on le croit ! Jean-Luc Mélenchon ne ment pas et n’est pas un homme du passé, mais un homme franc – au risque de déplaire – et combattant depuis toujours. Il n’est ni d’hier ni d’aujourd’hui mais de demain.
Quant à l’utopie qu’on lui jette à la figure comme les chochottes qui moquent monsieur Poutou sur sa tenue ou ceux qui méprisent madame Arthaud, parlons-en ! Est-ce une société idéale, heureuse et durable, celle où les richesses s’accumulent pour une minorité et la misère s’accroît pour la majorité d’entre nous ? La crise existe, oui. Les salaires du grand patronat et les bénéfices des industries du luxe n’ont jamais été aussi florissants. La surcharge pondérale morbide n’est pas loin… Un candidat très bien habillé dit à des infirmières qu’il faut « se serrer la ceinture ». Elles, elles lui parlent avec respect de leur épuisement et de leur détresse. Le commentaire de l’homme « chic » tombe : ce sont encore des syndicalistes… ! Répugnant.
Je hais ces cœurs pusillanimes qui pour trop prévoir la suite des choses n’osent rien entreprendre
Le libéralisme à tous crins ne détient pas les clés du succès mais sécrète toutes les raisons de l’échec. C’est lui, la vieille utopie ! Alors oui, je veux vite une VIRépublique. Je ne veux plus qu’on m’oblige à chanter La Marseillaise pour faire semblant. Je veux en ré-avoir envie. Je ne veux plus hausser les épaules en lisant « Liberté, égalité, fraternité ». Je ne veux plus serrer les poings quand des gens qui fêtaient il n’y a pas si longtemps des anniversaires nazis braillent désormais « Vive la France ».
Oui, j’en ai assez et j’ai envie pour moi, pour mes enfants et pour les enfants que l’on prive d’un refuge de croire et d’espérer. « Le but est éloigné, est-ce une raison pour ne pas marcher ? », disait Victor Hugo. Je repense à Molière – qui n’a vraiment rien à voir avec ceux qui veulent se servir de son nom sur les chantiers : je hais ces cœurs pusillanimes qui pour trop prévoir la suite des choses n’osent rien entreprendre. Vive Molière, vive Hugo, vive Mélenchon et j’espère… vive la France. »

Jacques Weber (comédien et metteur en scène)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire