Dans une tribune au
« Monde », (21/04/2017) le comédien et metteur en scène voit dans le
candidat de la France insoumise l’héritier de la France de Molière et de Victor
Hugo contre les puissants et les arrogants.
« J’ai longtemps hésité sur le programme, jamais sur
l’homme, Jean-Luc Mélenchon. Longtemps j’ai opposé les propositions de Benoît
Hamon à celles du candidat de La France insoumise. Longtemps le revenu
universel et l’écologie prioritaire étayant une VIe République
me paraissaient jeter les bases d’un autre équilibre et d’une autre perception
de notre société.
Même si tout allait dans le sens du respect et de la
dignité d’un peuple, la vision de l’Europe, les mesures économiques et sociales
du programme de Jean-Luc Mélenchon me semblaient moins claires et plus
complexes dans leurs énoncés. Mais comment aller au-delà de l’impression dans
la pseudo-clarté des programmes ? Les chiffres trompent et mentent
parfois, puissent-ils dire la – une ! – vérité. Comment l’apprécier ?
Comment avoir et prendre le temps de comprendre ?
La complexité du monde ne doit pas cependant rester
une impasse. Alors de grandes tendances nous divisent ou nous unissent.
Pourtant le choix restera intime et comme si souvent, pour franchir le pas,
accepter de sentir un programme sans en saisir toutes les nuances, nous
choisirons un homme. Un homme qui nous rassure, nous touche et incarne notre
espoir ; un homme qui nous parle et que nous entendons. Le tribun est
dangereux dit-on ? Oui, comme la vérité, le mensonge, l’engagement, le
fatalisme, l’utopie – la dystopie son contraire. Comme l’amour et la vie. Mais
le vrai danger est la peur : elle mène aux ténèbres de l’histoire où la
terreur s’installe comme chez elle.
Le lyrisme,
chez Jean-Luc Mélenchon, c’est celui des grands combats
Chez Jean-Luc Mélenchon, l’idée est passion, le
mouvement est le but, sa lucidité a souvent les larmes aux yeux. Le lyrisme
chez lui n’est pas une tonalité sirupeuse et braillarde empruntée le temps
d’une campagne. Le lyrisme, c’est celui des grands combats – ceux qui vivent,
ce sont ceux qui luttent (Victor Hugo) – il rejoint chez moi ceux de Robert
Badinter, Christiane Taubira, Simone Veil, Jack Ralite, François Mitterrand et
Charles de Gaulle – je m’arrête à ceux de mon époque et de mon pays.
Le lyrisme, c’est cette parole à hauteur d’homme qui
vous serre dans les bras. C’est la poésie, c’est-à-dire – n’en déplaise aux
commentateurs du commentaire – la philosophie qui se mêle au débat politique et
social. Le lyrisme, c’est le plein air de la pensée, le silence et le langage
des hommes de liberté. C’est le mépris des « populaces »,
celle du haut et celle du bas. C’est l’amour immodéré des hommes et des
peuples.
Certains ont besoin de consolider l’ignorance
reprenant la rhétorique des plus grands criminels de l’histoire : plus le
mensonge est grand, plus on le croit ! Jean-Luc Mélenchon ne ment pas et
n’est pas un homme du passé, mais un homme franc – au risque de déplaire – et
combattant depuis toujours. Il n’est ni d’hier ni d’aujourd’hui mais de demain.
Quant à l’utopie qu’on lui jette à la figure comme les
chochottes qui moquent monsieur Poutou sur sa tenue ou ceux qui méprisent
madame Arthaud, parlons-en ! Est-ce une société idéale, heureuse et
durable, celle où les richesses s’accumulent pour une minorité et la misère
s’accroît pour la majorité d’entre nous ? La crise existe, oui. Les
salaires du grand patronat et les bénéfices des industries du luxe n’ont jamais
été aussi florissants. La surcharge pondérale morbide n’est pas loin… Un
candidat très bien habillé dit à des infirmières qu’il faut « se serrer
la ceinture ». Elles, elles lui parlent avec respect de leur
épuisement et de leur détresse. Le commentaire de l’homme « chic »
tombe : ce sont encore des syndicalistes… ! Répugnant.
Je hais ces
cœurs pusillanimes qui pour trop prévoir la suite des choses n’osent rien
entreprendre
Le libéralisme à tous crins ne détient pas les clés du
succès mais sécrète toutes les raisons de l’échec. C’est lui, la vieille
utopie ! Alors oui, je veux vite une VIe République. Je ne
veux plus qu’on m’oblige à chanter La Marseillaise pour faire semblant.
Je veux en ré-avoir envie. Je ne veux plus hausser les épaules en lisant « Liberté,
égalité, fraternité ». Je ne veux plus serrer les poings quand des
gens qui fêtaient il n’y a pas si longtemps des anniversaires nazis braillent
désormais « Vive la France ».
Oui, j’en ai assez et j’ai envie pour moi, pour mes
enfants et pour les enfants que l’on prive d’un refuge de croire et d’espérer. « Le
but est éloigné, est-ce une raison pour ne pas marcher ? »,
disait Victor Hugo. Je repense à Molière – qui n’a vraiment rien à voir avec
ceux qui veulent se servir de son nom sur les chantiers : je hais ces
cœurs pusillanimes qui pour trop prévoir la suite des choses n’osent rien
entreprendre. Vive Molière, vive Hugo, vive Mélenchon et j’espère… vive la
France. »
Jacques Weber (comédien et metteur en scène)
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