Il
arrive que le crime soit parfait, le coupable introuvable. Ou que l’affaire
soit rapidement instruite et jugée. Pour l’explication du crime, il y a des
enquêteurs officiels, ou officieux parfois. Il se peut qu’ils demeurent
bredouilles. Quant au châtiment, la justice s’en charge, ou la vengeance.
Parfois les deux. Lectures entre fiction et réalité.
Une
jeune femme, Vera, est morte, brûlée vive. L’affaire est rapidement résolue,
des coupables condamnés. Mais un homme, Mister, pianiste de jazz, aimait Vera. Il
veut comprendre les raisons de cette horreur.
Remontant diverses pistes avec son ami Bob, chauffeur de taxi érudit, il
s’approche des coulisses périlleuses du pouvoir politique et remonte le temps
jusqu’aux traces lointaines du siège de Vukovar, une autre horreur à laquelle
Vera a été mêlée. Mister avait raison : « La version officielle.
C’est du pipeau. »
Voilà
la trame du roman de Marcus Malte, Les Harmoniques (Gallimard 2011 et Folio
Policier 2016). Sur fond de blues, c’est une traque minutieuse menée par un
écrivain de grand talent (le dernier roman de Marcus Malte, Le Garçon (Zulma 2016) a été couronné du
prix Femina). L’écriture est limpide, la musique envoûtante, la vengeance
impitoyable.
Pour
écouter un extrait du roman lu par son auteur, il y a une vidéo tournée lors d’une
lecture musicale. On peut lire des critiques, l’une, admirative, d’un passionné, l’autre, musicale, d’un amateur de jazz.
C’est
un coupable qui parle au juge. Martial Kermeur a jeté à la mer Antoine Lazenec,
promoteur immobilier véreux, qui a profité de la crédulité de gens à la vie
cabossée, les délestant de leurs modestes biens. Cela ressemble à une vengeance
personnelle, mais ce n’est pas le mobile du meurtrier qui explique :
« Il faut savoir enlever le mal à la racine. Je l’ai fait pour notre bien
à tous. »
Avec
Article
353 du Code pénal (Editions de
Minuit 2017), Tanguy Viel offre un roman aux allures de polar sans énigme.
Le coupable est connu dès la première page. Face au magistrat qui l’interroge
après son arrestation, il raconte les événements de sa vie – divorce,
licenciement – qui ne justifient en rien son geste irréparable. L’enquête
touche davantage à la société, à la politique et amène le juge à se poser la
vraie question de son « intime conviction », ainsi que l’enjoint
l’article 353 du Code pénal. Sur fond des paysages envoûtants et magnifiques du Finistère, ce
sont des pages d’une grande intensité, peut-être plus proches de la réalité que
de la fiction.
La
réalité, justement ! Celle qui occupe quotidiennement les enquêteurs lors
de la découverte et de l’analyse de scènes de crimes, dans la traque et
l’arrestation des coupables. Coulisses et potins, trafics et arrangements, Patricia Tourancheau en tient la
chronique dans la presse depuis plusieurs décennies et les retrace dans Le
36, histoires de poulets, d’indics et de tueurs en série (Seuil/Les Jours
2017). Entre archives et récits apparaît la longue histoire du 36, Quai des
Orfèvres dont les services vont déménager prochainement. Les grandes figures de
la maison côtoient anonymes et vedettes, corrompus et vertueux. Lieu propice
aux légendes et aux rumeurs, mais surtout mémoire de la société où, aux dires
d’un commissaire, « l’efficacité l’emporte sur la morale ».
Autre
réalité : la peine, infligée avec ou sans jugement. Elle est le sujet du
dernier ouvrage de Didier Fassin, Punir, une passion contemporaine (Seuil
2017). A travers trois questions – Qu’est-ce que punir ? Pourquoi
punit-on ? Qui punit-on ? – le chercheur trace le portrait de notre
société devenue de plus en plus répressive. La réparation de la faute commise
s’apparente au châtiment, confine même à la vengeance. La « passion de
punir » de notre siècle est effrayante.
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