mardi 20 juin 2017

ENTRE CRIME ET CHATIMENT

Il arrive que le crime soit parfait, le coupable introuvable. Ou que l’affaire soit rapidement instruite et jugée. Pour l’explication du crime, il y a des enquêteurs officiels, ou officieux parfois. Il se peut qu’ils demeurent bredouilles. Quant au châtiment, la justice s’en charge, ou la vengeance. Parfois les deux. Lectures entre fiction et réalité.

 Une jeune femme, Vera, est morte, brûlée vive. L’affaire est rapidement résolue, des coupables condamnés. Mais un homme, Mister, pianiste de jazz, aimait Vera. Il veut comprendre les raisons de cette horreur.  Remontant diverses pistes avec son ami Bob, chauffeur de taxi érudit, il s’approche des coulisses périlleuses du pouvoir politique et remonte le temps jusqu’aux traces lointaines du siège de Vukovar, une autre horreur à laquelle Vera a été mêlée. Mister avait raison : « La version officielle. C’est du pipeau. »
Voilà la trame du roman de Marcus Malte, Les Harmoniques (Gallimard 2011 et Folio Policier 2016). Sur fond de blues, c’est une traque minutieuse menée par un écrivain de grand talent (le dernier roman de Marcus Malte, Le Garçon (Zulma 2016) a été couronné du prix Femina). L’écriture est limpide, la musique envoûtante, la vengeance impitoyable.
Pour écouter un extrait du roman lu par son auteur, il y a une vidéo tournée lors d’une lecture musicale. On peut lire des critiques, l’une, admirative, d’un passionné, l’autre, musicale, d’un amateur de jazz.

  C’est un coupable qui parle au juge. Martial Kermeur a jeté à la mer Antoine Lazenec, promoteur immobilier véreux, qui a profité de la crédulité de gens à la vie cabossée, les délestant de leurs modestes biens. Cela ressemble à une vengeance personnelle, mais ce n’est pas le mobile du meurtrier qui explique : « Il faut savoir enlever le mal à la racine. Je l’ai fait pour notre bien à tous. »
Avec Article 353 du Code pénal (Editions de Minuit 2017), Tanguy Viel offre un roman aux allures de polar sans énigme. Le coupable est connu dès la première page. Face au magistrat qui l’interroge après son arrestation, il raconte les événements de sa vie – divorce, licenciement – qui ne justifient en rien son geste irréparable. L’enquête touche davantage à la société, à la politique et amène le juge à se poser la vraie question de son « intime conviction », ainsi que l’enjoint l’article 353 du Code pénal. Sur fond des paysages  envoûtants et magnifiques du Finistère, ce sont des pages d’une grande intensité, peut-être plus proches de la réalité que de la fiction.
Tanguy Viel présente son roman ici.

  La réalité, justement ! Celle qui occupe quotidiennement les enquêteurs lors de la découverte et de l’analyse de scènes de crimes, dans la traque et l’arrestation des coupables. Coulisses et potins, trafics et arrangements, Patricia Tourancheau en tient la chronique dans la presse depuis plusieurs décennies et les retrace dans Le 36, histoires de poulets, d’indics et de tueurs en série (Seuil/Les Jours 2017). Entre archives et récits apparaît la longue histoire du 36, Quai des Orfèvres dont les services vont déménager prochainement. Les grandes figures de la maison côtoient anonymes et vedettes, corrompus et vertueux. Lieu propice aux légendes et aux rumeurs, mais surtout mémoire de la société où, aux dires d’un commissaire, « l’efficacité l’emporte sur la morale ».
Une présentation pertinente de l’ouvrage est ici.

  Autre réalité : la peine, infligée avec ou sans jugement. Elle est le sujet du dernier ouvrage de Didier Fassin, Punir, une passion contemporaine (Seuil 2017). A travers trois questions – Qu’est-ce que punir ? Pourquoi punit-on ? Qui punit-on ? – le chercheur trace le portrait de notre société devenue de plus en plus répressive. La réparation de la faute commise s’apparente au châtiment, confine même à la vengeance. La « passion de punir » de notre siècle est effrayante.
Didier Fassin et ses travaux sont présentés dans une notice très complète.


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