mercredi 20 mars 2019


Lire et rire

L’air du temps ne s’y prête guère. Alors, puisqu’elle se présente, saisissons l’occasion de mobiliser nos zygomatiques. Des auteurs nous y invitent. Toutefois, leurs livres peuvent se lire à plusieurs degrés. Arrêtons-nous au premier : l’humour. Lisons et rions !

 Le roman de Céline Minard, Bacchantes (Rivages 2019), est une épopée qui va plaire aux amateurs de grands crus. A Hong-Kong, Ethan Coetzer, ancien ambassadeur, conserve dans des bunkers un stock de vins prestigieux et inestimables que lui ont confiés des collectionneurs. Alors que menace un typhon puissance 10, un trio de braqueuses prend la cave en otage, déjouant avec force ruses une surveillance plus que pointue.
Tandis qu’une cheffe de la police tente de préparer un assaut, le joyeux trio crée des scènes délirantes et finit par enrôler Coetzer lui-même, convié à une dégustation des plus burlesque.
Céline Minard ne se contente pas de faire rire les lecteurs. Elle sait, même dans l’humour et l’extravagance, explorer les tréfonds secrets des individus. Son roman, gouleyant et jubilatoire, est un vrai guet-apens.
Sur ce site, qui publie de très intéressantes critiques auxquelles on peut s’abonner, se trouvent une  présentation de Bacchantes et un lien pour la lecture de quelques pages.

 Le dernier roman de Pierre Jourde, Le voyage du canapé-lit (Gallimard 2019), tient de la chronique familiale burlesque. Drôle, complaisant, tonitruant, généreux, l’auteur utilise le prétexte du déménagement d’un meuble pour raconter ses souvenirs et mêle ainsi son autobiographie aux dialogues romancés des protagonistes. La trouvaille est heureuse et permet de concocter un livre à facettes : la fiction met en scène le cours du voyage, les souvenirs de la vraie vie surgissent à propos d’un lieu, d’une parole, d’un objet.
Mais les digressions ne sont pas simplement une manière de rappeler le passé. Les unes montrent la capacité de l’auteur à se confronter à ses souvenirs, à rétablir la vérité des faits et la réalité à laquelle il donne un tour souvent hilarant. Tandis que d’autres écarts offrent de magnifiques instantanés de la géographie du voyage.
Une critique du roman est ici et le site – imposant – de l’auteur est .

 Après l’émouvant Ronce-Rose (Minuit 2017/Minuit double 2019), Eric Chevillard publie L’explosion de la tortue (Minuit 2019).
Au départ, c’est l’histoire d’une petite tortue de Floride retrouvée mourante au retour de vacances. A la fin du roman, c’est le récit des heurs et malheurs d’un écrivain inconnu du XIXe siècle, Louis-Constantin Novat, dont les manuscrits étaient déposés dans un tiroir entrouvert. Entre deux, l’auteur déploie circonvolutions, détours et sinuosités pour emmener ses lecteurs en des territoires insolites. C’est que la carapace de la tortue cache bien des surprises qui sont dévoilées avec un humour particulièrement élégant et imprévisible. De cet enchevêtrement surgissent des événements, des personnages, des souvenirs qui semblent incongrus dans le récit et qui, pourtant, lui confectionnent une trame serrée.
Eric Chevillard a longtemps traqué les travers des écrivains dans sa chronique du Monde des livres et en a même tiré un autre roman fort drôle, Défense de Prosper Brouillon (Editions Noir sur Blanc 2017). Il sait en conséquence déjouer les pièges et chacun de ses romans enchante par son écriture fine, précise, claire, pure.
Le roman est présenté ici et son auteur publie chaque jour trois notes brèves sur son blog, L'Autofictif. Un régal de lecture !

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