Lire et rire
L’air
du temps ne s’y prête guère. Alors, puisqu’elle se présente, saisissons
l’occasion de mobiliser nos zygomatiques. Des auteurs nous y invitent.
Toutefois, leurs livres peuvent se lire à plusieurs degrés. Arrêtons-nous au
premier : l’humour. Lisons et rions !
Le roman de Céline Minard, Bacchantes
(Rivages 2019), est une épopée qui va plaire aux amateurs de grands
crus. A Hong-Kong, Ethan Coetzer, ancien ambassadeur, conserve dans des bunkers
un stock de vins prestigieux et inestimables que lui ont confiés des
collectionneurs. Alors que menace un typhon puissance 10, un trio de braqueuses
prend la cave en otage, déjouant avec force ruses une surveillance plus que
pointue.
Tandis qu’une cheffe de la police tente de
préparer un assaut, le joyeux trio crée des scènes délirantes et finit par
enrôler Coetzer lui-même, convié à une dégustation des plus burlesque.
Céline Minard ne se contente pas de faire
rire les lecteurs. Elle sait, même dans l’humour et l’extravagance, explorer
les tréfonds secrets des individus. Son roman, gouleyant et jubilatoire, est un
vrai guet-apens.
Sur ce
site, qui publie de très intéressantes critiques auxquelles on peut
s’abonner, se trouvent une présentation
de Bacchantes
et un lien pour la lecture de quelques pages.
Le dernier roman de Pierre Jourde, Le
voyage du canapé-lit (Gallimard 2019), tient de la chronique familiale
burlesque. Drôle, complaisant, tonitruant, généreux, l’auteur utilise le
prétexte du déménagement d’un meuble pour raconter ses souvenirs et mêle ainsi
son autobiographie aux dialogues romancés des protagonistes. La trouvaille est
heureuse et permet de concocter un livre à facettes : la fiction met en
scène le cours du voyage, les souvenirs de la vraie vie surgissent à propos
d’un lieu, d’une parole, d’un objet.
Mais les digressions ne sont pas simplement
une manière de rappeler le passé. Les unes montrent la capacité de l’auteur à
se confronter à ses souvenirs, à rétablir la vérité des faits et la réalité à
laquelle il donne un tour souvent hilarant. Tandis que d’autres écarts offrent
de magnifiques instantanés de la géographie du voyage.
Après l’émouvant Ronce-Rose (Minuit
2017/Minuit double 2019), Eric Chevillard publie L’explosion
de la tortue (Minuit 2019).
Au départ, c’est l’histoire d’une petite
tortue de Floride retrouvée mourante au retour de vacances. A la fin du roman,
c’est le récit des heurs et malheurs d’un écrivain inconnu du XIXe siècle,
Louis-Constantin Novat, dont les manuscrits étaient déposés dans un tiroir
entrouvert. Entre deux, l’auteur déploie circonvolutions, détours et sinuosités
pour emmener ses lecteurs en des territoires insolites. C’est que la carapace
de la tortue cache bien des surprises qui sont dévoilées avec un humour
particulièrement élégant et imprévisible. De cet enchevêtrement surgissent des
événements, des personnages, des souvenirs qui semblent incongrus dans le récit
et qui, pourtant, lui confectionnent une trame serrée.
Eric Chevillard a longtemps traqué les
travers des écrivains dans sa chronique du Monde des livres et en a même
tiré un autre roman fort drôle, Défense de Prosper Brouillon
(Editions Noir sur Blanc 2017). Il sait en conséquence déjouer les pièges
et chacun de ses romans enchante par son écriture fine, précise, claire, pure.
Le roman est présenté ici
et son auteur publie chaque jour trois notes brèves sur son blog, L'Autofictif. Un régal de
lecture !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire