dimanche 22 décembre 2019

TOUT EN MUSIQUE

Quand musique et littérature s’allient, cela crée des accords harmonieux. Mots et notes résonnent en romans originaux, sensibles, au souffle puissant. Suggestions parmi les titres récemment parus.

 La musique pour survivre : ce pourrait être le motif du roman d’Akira Mizubayashi, Âme brisée (Gallimard 2019). L’âme est celle du violon, pièce sensible et indispensable qui développe les vibrations et donne son ampleur à l’instrument.
A Tokyo en 1938, un quatuor d’amateurs se réunit régulièrement pour interpréter Schubert. Soupçonnés de complot, les membres de la formation sont arrêtés lors d’une répétition.
Rei, onze ans, fils du violoniste, assiste à l’arrestation de son père et au massacre de son violon. Il échappe à la violence grâce à l’un des militaires qui lui remet discrètement l’instrument brisé. Le garçon ne reverra jamais son père. Il deviendra luthier et sa vie durant, il travaillera à réparer le violon, cherchera à lui rendre son âme. Grâce à la complicité de son épouse archetière, des questions trouveront réponses, les événements du passé seront expliqués et le violon reprendra vie.
C’est un roman particulièrement sensible et émouvant de l’auteur japonais. Il en parle ici et se trouvent les premiers chapitres du livre.

 Anna Enquist connaît la musique : elle est pianiste concertiste. Elle connaît également les tréfonds de l’âme humaine car elle est psychothérapeute. Son récent roman, Car la nuit s’approche (traduit du néerlandais par Emmanuelle Tardif, Actes Sud 2019) mêle les compétences de son auteure.
A la suite d’un attentat – évoqué dans Quatuor (Actes Sud 2016) – les membres de la formation se sont dispersés. Caroline la violoncelliste, amputée d’un doigt, tombe dans une dépression. Son mari Jochem poursuit ses activités de luthier tout en sombrant dans une paranoïa sécuritaire. Elle s’envole vers la Chine où elle rejoint Hugo devenu organisateur de festivals artistiques. Quant à Heleen, elle a totalement changé de vie. Les quatre amis ne se retrouveront qu’à l’occasion du procès de l’auteur de l’attentat.
Le fil du roman est tenu par Caroline, sa révolte, ses angoisses, son rejet de l’obsession sécuritaire de Jochem, ses questionnements, ses aventures. Mais Anna Enquist montre pour chaque protagoniste les étapes plus ou moins vives de la reconstruction de leur personnalité blessée. Alors que dans Quatuor, le groupe se constituait autour de la musique, ici c’est la part de l’humain qui est primordiale. Les premières pages de ce beau roman de la musique empêchée sont ici.

 Voilà une musique bien mystérieuse ! A Prague, une cantinière retraitée dit recevoir de l’au-delà des partitions qu’elle retranscrit fidèlement. Le compositeur qui lui rend visite et lui dicte les notes une à une n’est autre que Frédéric Chopin, mort en France un siècle et demi auparavant. Une maison de disques veut enregistrer et diffuser ces œuvres posthumes. Un journaliste de la télévision est chargé d’enquêter afin de réaliser un documentaire.
Avec La télégraphiste de Chopin (Seuil 2019), Éric Faye s’attaque au surnaturel. S’inspirant de la vie de Rosemary Brown, medium anglais, il décrit habilement le travail de l’enquêteur qui tente de déjouer une supercherie géniale. Sont utilisées les techniques classiques de l’espionnage : écoutes, filatures, surveillance. Mais si mystification il y a, elle est aussi difficile à déceler que l’effluve discret du parfum qui l’entoure. 
On peut écouter longuement ici l’auteur de ce roman passionnant.


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