mercredi 30 mars 2016

TRAVAIL: DE L'AMBITION S'IL VOUS PLAIT...


  En réduisant les droits des salariés et en facilitant leur licenciement le gouvernement a baptisé la réforme « El Khomery » : « projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprise et les actifs ». Voilà une rhétorique qui ne manque pas d’audace ! Cependant, à part les affirmations du Medef, reprises complaisamment ici et là, aucune étude sérieuse ne valide cette thèse.
Le cœur de cette réforme est l’inversion de  la hiérarchie des  normes. Aujourd’hui la loi est supérieure à l’accord de branche qui est lui-même  supérieur à l’accord d’entreprise. Les accords d’entreprise ne peuvent prévoir que des dispositions plus favorables que celles de l’ordre supérieur. Il s’agit, donc, malgré les dérogations déjà existantes, de soumettre toutes les entreprises aux mêmes règles sociales. La libre concurrence pouvant se faire alors, par exemple, sur l’innovation et la qualité des produits.
En inversant la hiérarchie des normes, privilégiant l’accord d’entreprise, c’est la concurrence sauvage et destructrice qui s’installera sur le plan social. La tendance de supprimer des emplois ou de baisser les salaires par anticipation ne fera que  s’accentuer, car il y aura toujours un concurrent moins-disant ! C’est à l’image du dumping social européen : les différences de législation sociale et fiscale d’un pays à l’autre sont une aubaine pour l’évasion des cotisations sociales  et fiscales et sont génératrices de puissantes distorsions de concurrence au détriment principalement des salariés. C’est donc ce modèle que le projet de loi Hollande-Valls-El Khomery veut imposer sur le territoire national: un code du travail par entreprise ! Les récentes modifications annoncées le 14 mars améliorent le projet seulement à la marge et ne changent rien sur le fond.
S’opposer à cette loi est donc légitime, la retirer et mettre la problématique du travail « à plat » serait alors une belle ambition. D’autant plus que des réflexions et des propositions positives sur ce sujet ne manquent pas.

Lus, vus et écoutés sur le web :
Avertissement: j'ai un faible pour ceux qui  ne cèdent  pas à la facilité et ne prennent pas pour argent comptant les thèses régressives dominant l’espace  médiatique ! C’est un parti pris… que j'assume!

- Anne Eydoux (Le Monde.fr 24.03.1016) :
« Il y a depuis le début un malentendu autour du projet de loi [El Khomri], enchaîne Anne Eydoux, du Centre d’études de l’emploi (CEE). S’installe l’idée que la flexibilité de l’emploi qu’il introduit ferait baisser le chômage. » Or aucune étude ne démontre ce lien de cause à effet, selon elle. « Si les employeurs n’embauchent pas, ce n’est pas parce qu’ils ont peur d’avoir du mal à licencier – ils y parviennent très bien – mais parce que leurs carnets de commandes sont dégarnis », affirme-t-elle, en rappelant que le code du travail en France a été assoupli plusieurs fois en quarante ans, sans que cela empêche le taux de chômage d’atteindre un niveau record. Pour Mme Eydoux, le texte risque d’encourager l’allongement de la durée du travail s’il donne un rôle clé à la négociation collective sur cette thématique. Dès lors, s’interroge-t-elle, « comment peut-on envisager que les entreprises recrutent si elles font travailler davantage leurs salariés ? »

- Alain Supiot, Professeur au Collège de France,
 Conférence: "Qu'est-qu'un régime de travail humain ?"(durée 1h30), passionant pour ceux qui s'intéressent réellement au travail!



- Encore Alain Supiot,
Entretien  au Journal L'Humanité du 11 mars 2016: "Remettons le travail au centre de la reflexion et du droit du travail", cliquez ici.

- Les Economistes Atterrés
"La loi El khomery ou comment en finir avec le Code du travail"
Télécharger ici l'analyse des Economistes Atterrés.

-   Union Générale des Ingénieurs Cadres et Techniciens CGT
 Analyse des modifications présentées le 14 mars , situation avant/après, cliquez ici
Les propositions de réformes du Code du travail par la même la confédération syndicale : cliquez ici

- Persuadé qu'il n'est pas de fatalité, un groupe d’universitaires spécialisés en droit du travail (GR PACT) a décidé de s’attaquer à l’écriture complète d’un autre Code du travail, pour démontrer par l’exemple qu’il est possible de faire plus court, plus clair, plus protecteur et mieux adapté aux difficultés de notre temps. Cliquez -ici

Et en fin de billet une note d’humour « bien sentie » de Charline Vanhoenacker , cliquez ici





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