DU NOIR TOUT EN NUANCES
Du tragique au déroutant, des
romans noirs pour les claires journées d’été.
Le plus noir est le roman de Richard
Morgiève, Le Cherokee (Editions Joëlle Losfeld 2019). En 1954, au
temps de la guerre froide, Nick Corey est le shérif du comté de Garfield, en
Utah. Lors d’une ronde de nuit, il découvre une voiture abandonnée et assiste à
l’atterrissage d’un avion chasseur sans pilote. Ces événements mettent en
branle l’armée et le FBI. Mais dans cette enquête à laquelle il
participe, le shérif est surtout confronté à son passé : ses parents ont
été assassinés lorsqu’il était adolescent et il a été accusé de ce crime. Après
un séjour en prison, il s’était engagé dans l’armée. Aujourd’hui, des indices lui laissent penser
que l’assassin de ses parents est réapparu. Corey le traque. Alors se déroule
une chasse à l’homme cruelle, brutale, où le shérif est tantôt le poursuivant,
tantôt le poursuivi, où resurgissent des fantômes, où les sentiments sont des
remparts contre la lâcheté.
Le plus subtil nous emmène par contours et
détours jusqu’à la résolution de l’énigme qui n’est finalement que suggérée.
Car c’est le talent d’Yves Ravey, dans son dernier roman Pas dupe
(Editions de Minuit 2019) – comme d’ailleurs dans les précédents –, de
laisser ses lecteurs errer, imaginer, lire entre les lignes.Tippi, la femme du narrateur, est retrouvée
morte au fond du ravin où s’est fracassée sa voiture. Costa, l’inspecteur,
suppose une piste accidentelle sans toutefois éliminer de son esprit la
possibilité d’un crime. D’indices en présomptions, d’interrogatoires en
réflexions, son enquête avance au gré de la rencontre des diverses personnes de
l’entourage de Tippi et de son mari. Il y a le beau-père de ce dernier, un
assureur qui fut l’amant de Tippi et la voisine du couple. De l’enquêteur et du
narrateur, aucun n’est dupe. On peut écouter Yves Ravey qui
présente son roman – avec précaution pour en sauvegarder le suspens – et lire
les premières pages.
Le plus mordant oscille entre réalisme et
dérision. Les mafieuses de Pascale Dietrich (Editions Liana
Levi 2019) sont les personnages féminins de la famille de Leone Acampora,
mafioso grenoblois. La vie familiale s’est déroulée sans anicroche : une
épouse complaisante, une fille pharmacienne qui vend de la dope dans des
emballages de granules homéopathiques, une autre qui s’est plongée dans
l’humanitaire où elle est confrontée à des malfaisances qui la déboussolent. Acampora est un vieillard et la maladie lui
grignote l’esprit. Mais avant de quitter son monde, il a laissé une lettre dans
laquelle il annonce que, pour effacer l’offense d’une ancienne infidélité, il
lance un tueur aux trousses de sa femme. Mère et filles montent au front pour
rechercher l’exécuteur. Les mafiosi de toute espèce ont de quoi craindre la
férocité féminine. Sous des allures iconoclastes et drôles,
c’est un regard acéré et tonique sur le machisme, quel qu’il soit.
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